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Le champ magn�tique terrestre

Introduction (I)

Depuis quelques ann�es, l'�tude du champ magn�tique terrestre revient au devant de la sc�ne suite � quelques mesures r�v�latrices et des simulations riches d'enseignement qui furent r�alis�es � partir de 1995 et sur lesquelles nous reviendrons.

L'�tude du champ g�omagn�tique n'est pourtant pas si r�cente que cela; les premiers relev�s remontent en effet � 1596. Des �tudes ont ensuite �t� entreprises du chef de William Gilbert (1600), Edmund Halley (1692), Charles Coulomb (1777), Hans Oersted (1800), Michael Faraday (1830), Carl Gauss (1838) et James Clerk Maxwell (1865) notamment, les uns posant les concepts fondamentaux, les autres les d�monstrations math�matiques.

En prenant une boussole en main, chacun a d�j� remarqu� que l'aiguille aimant�e s'oriente sans coup f�rir dans une direction bien pr�cise, � quelques degr�s du p�le g�ographique. Cet angle s'appelle la d�clinaison magn�tique. On y reviendra.

L'intensit� du champ magn�tique varie entre 25-30 μT (microteslas) � l'�quateur et 60-65 �T aux p�les (soit entre 0.25 et 0.65 G (gauss).

La boussole s'av�re tr�s utile pour les marins et tous les voyageurs qui s'�cartent des sentiers balis�s et doivent calculer leur cap pour atteindre leur destination. Car il ne suffit pas de lire l'indication d'une boussole pour savoir o� l'on est. On peut m�me dire que s'orienter avec une boussole requiert de l'exp�rience car il faut suivre certains proc�dures d'orientation sur les cartes et r�aliser des calculs de conversions. Heureusement quelques livres ou programmes tr�s didactiques nous apprennent rapidement ces techniques.

A l'exception des stages d'initiation, aujourd'hui l'usage de la boussole est d�pass� depuis l'invention du GPS qui est principalement utilis� par les pilotes d'avions et les marins parcourant de longues distances.

Toutefois, le r�cepteur GPS utilisant des signaux radio�lectriques, dans certaines conditions spatiales perturb�es, il doit malgr� tout tenir compte des indications g�omagn�tiques et ionosph�riques au risque de donner des indications de positions erron�es. Le m�me probl�me se pose dans les t�l�communications par ondes-courtes (HF notamment) o� de mani�re g�n�rale les signaux sont plus perturb�s par le champ g�omagn�tique que par les conditions ionosph�riques.

Le r�le du champ magn�tique terrestre est donc relativement important pour certains m�tiers techniques et en particulier dans l'aviation. Il le devient encore plus quand on sait qu'il interagit avec le vent solaire et est � l'origine de la manifestation des aurores et de tous les effets statiques qu'elles peuvent d�clencher dans l'environnement y compris aux infrastructures.

D�finitions

Pour rappel, un champ est un espace dans lequel s'applique une force. Elle peut �tre de nature �lectrique autour d'une charge ou magn�tique autour d'un courant �lectrique comme c'est le cas du champ g�omagn�tique.

Comme nous l'avons �voqu�, le champ magn�tique n'est qu'un �l�ment d'une structure plus complexe qu'on appelle la magn�tosph�re. En principe toutes les plan�tes et les grosses lunes ayant un manteau actif pr�sentent ce type de structure, plus ou moins d�velopp�e et intense.

La magn�tosph�re terrestre comprend plusieurs composantes :

- L'ionosph�re qui commence vers 60 km d'altitude avec la couche D et pr�sente sa plus forte densit� d'ionisation vers 1000 km d'altitude, dans la couche F (dont l'altitude moyenne se situe entre 100-300 km mais qui peut d�passer 800 km d'altitude).

- La sph�re de plasma ou plasmasph�re qui s'�tend sur 4 rayons terrestres en direction du Soleil et jusqu'� 6 ou 7 rayons terrestres du c�t� oppos�.

- Les Ceintures de radiations de Van Allen qui sont divis�es en ceintures int�rieures (entre 1000-13000 km d'altitude) et ext�rieures (entre 20000-40000 km d'altitude). Elles se voient temporairement compl�t�es par une troisi�me ceinture interm�diaire lorsqu'il n'y a pas de temp�te solaire et fusionnent pendant les temp�tes g�omagn�tiques.

Au-del� nous atteignons les limites du champ g�omagn�tique, c'est la magn�topause qui est en contact direct avec le vent solaire notamment.

Origine et �volution

Sur les traces du physicien anglais William Gilbert, �tudions l'origine et l'�volution du champ g�omagn�tique.

Du point de vue magn�tique, on peut assimiler la Terre � une sorte de gros aimant bipolaire : on reviendra en d�tails sur cette repr�sentation en seconde partie.

A voir : G�omagn�tisme - une invitation au voyage : du cosmos au centre de la Terre, IPGP

Source: http://easyscienceforkids.com/all-about-earths-magnetism/

Le champ g�omagn�tique. A gauche, � l'image d'un aimant la Terre pr�sente deux p�les magn�tiques de polarit� oppos�e. Comme celui du Soleil mais � une fr�quence bien plus faible, le champ g�omagn�tique peut s'inverser. A droite, sa repr�sentation � grande �chelle. Notez son inclinaison par rapport � l'axe de rotation de la Terre. Cette inclinaison qu'on appelle la d�clinaison magn�tique varie l�g�rement d'une ann�e � l'autre. La magn�tosheat (l'arc ext�rieur bleu orient� vers le Soleil) est une zone hautement turbulente sur le plan �lectromagn�tique qui fixe la limite entre le vent solaire, un courant supersonique de particules charg�es �mises par le Soleil, et la magn�tosph�re. Documents Easy Science for Kids et T.Lombry.

La Terre s'entoure d'un champ magn�tique, le champ principal (� diff�rencier du champ magn�tique d'origine externe et constituant la magn�tosph�re) g�n�r� par les mouvements du magma fluide et conducteur du noyau externe.

Pourquoi le magma est-il en mouvement ? D'abord parce qu'il est en fusion et donc fluide. Ensuite, c'est en raison de l'action combin�e de la rotation de la Terre et de la convection. Comme les mouvements convectifs qui se d�veloppent dans un milieu chaud, cet oc�an de magma transporte les �l�ments l�gers vers le manteau sup�rieur (et les �l�ments lourds vers le noyau) dans un mouvement h�licoidal suite � la rotation de la Terre (force de Coriolis). Comme en �lectricit� o� toute charge �lectrique en mouvement (par ex. un �lectron) g�n�re un champ magn�tique et inversement, ce ph�nom�ne cr�e ce qu'on appelle la g�odynamo � l'origine du champ g�omagn�tique. Ce champ nous prot�ge des conditions s�v�res r�gnant dans l'espace, en particulier les rayonnements nocifs du Soleil porteur de hautes �nergies. En compl�ment, l'atmosph�re joue �galement un r�le protecteur.

Les r�sultats de la mission Swarm

Lors du meeting de l'Union Europ�enne des G�osciences (European Geosciences Union) qui s'est tenu � Vienne, en Autriche, en 2018, l'�quipe de Nils Olsen de l'Universit� du Danemark confirma l'existence d'autres facteurs contribuant au champ g�omagn�tique dont les roches magn�tis�es de la cro�te terrestre et les mar�es des oc�ans (lire aussi A.Grayver et al., 2024).

Les chercheurs ont analys� les donn�es de la mission Swarm de l'ESA lanc�e en 2013 qui comprend trois satellites d'observation d�ploy�s � 460 et 530 km d'altitude sur une orbite quasi-polaire (cf. ESTRACKnow) pour mesurer les signaux magn�tiques du noyau, de la cro�te, des oc�ans et de l'atmosph�re de la Terre avec une pr�cision in�gal�e, qu'ils ont combin�s aux donn�es historiques du satellite CHAMP.

La d�couverte d'une composante oc�anique est tout � fait �tonnante et int�ressante. En effet, en raison de pr�sence d'ions dissous dans l'eau de mer (dont Na+et Cl-), lorsque les courants marins ou les mar�es traversent les lignes de force du champ g�omagn�tique, cela produit un courant �lectrique qui induit un signal magn�tique. Bien que la contribution soit faible (2 � 2.5 nT � l'altitude des satellites soit environ 20000 fois plus faible que le champ magn�tique global de la Terre) et soit tr�s difficile � discriminer des autres sources magn�tiques, les chercheurs sont parvenus � mesurer les variations du signal magn�tique induit par les mar�es sur une p�riode de 24 heures comme on le voit sur les cartes ci-dessous. Ce signal magn�tique de mar�es induit �galement une faible r�ponse magn�tique sous le plancher oc�anique.

A voir : Swarm reveals magnetic waves across Earth�s outer core, ESA

VirES for Swarm, EOX IT Services GmbH

Lithospheric magnetic field, ESA

A �couter : Magnetic Song of Earth�s Foreshock in Space during Solar Storms

A gauche, illustration des trois satellites de la msision Swarm de l'ESA. A droite, cartographie des mar�es magn�tiques g�n�r�es par les oc�ans (signal M2). L'amplitude atteint 5 nanotesla. C'est un instantan� car il faut imaginer que les amplitudes varient constamment (cf. la vid�o ci-dessus), les zones positives devenant n�gatives et vice versa sur une p�riode de quelques heures. Documents ESA et ESA/SWARM adapt� par l'auteur.

Cette d�couverte a permis de dresser une nouvelle carte du magn�tisme g�n�r� par la cro�te terrestre. Cela permettra �galement aux chercheurs d'en savoir plus sur les propri�t�s �lectriques de la lithosph�re et du manteau sup�rieur ainsi que de mieux comprendre les temp�ratures et la salinit� au plus profond des oc�ans, en relation avec l'AMOC et la circulation thermohaline globale.

Les donn�es de Swarm peuvent �galement fournir des informations sur la distribution du magma, ce qui pourrait � l'avenir favoriser une meilleure compr�hension des �ruptions volcaniques sous-marines telles celle de l'Hunga Tonga en 2022 qui fut accompagn�e d'un tsunami.

D'autres observations par les satellites Swarm ont montr� que le champ g�omagn�tique terrestre subit parfois des fluctuations rapides appel�es "jerks". Dans une �tude publi�e par Julien Aubert de l'Institut de Physique du Globe de Paris et Christopher C.Finlaye de l'Institut National de l'espace danois dans la revue "Nature Geoscience" en 2019, les chercheurs ont d�couvert que ce ph�nom�ne est li� � la pr�sence de zones de m�tal fondu qui s'�l�vent vers la surface, modifiant le champ g�omagn�tique.

Ainsi que nous l'avons expliqu� � propos de la Terre, le champ g�omagn�tique se serait form� il y a plus de 4.2 milliards d'ann�es suite � la pr�cipitation du dioxyde de magn�sium (ou du dioxyde de silicium) dans le noyau, for�ant la remont�e des mati�res en fusion, ce qui d�clencha l'effet dynamo. Il y a 565 millions d'ann�es, le champ g�omagn�tique est pass� de faible et erratique � un �tat plus stable. Cela sugg�re que le noyau interne se serait seulement solidifi� � cette �poque, bien plus tard que pr�vu.

Une mar�e lunaire sur la plasmasph�re

Dans un article publi� dans la revue "Nature Physics" en 2023 (et r�sum� par Bal�zs Heilig dans le m�me num�ro), le physicien des particules Quanqi Shi de l'Universit� de Shandong de Weihai en Chine et ses coll�ges, ont d�couvert que la Lune exerce une force de mar�e jusque-l� inconnue sur la plasmasph�re terrestre, cr�ant des fluctuations similaires aux mar�es oc�aniques.

La plasmasph�re est la r�gion interne de la magn�tosph�re terrestre qui prot�ge notre plan�te des temp�tes solaires et d'autres particules de haute �nergie. Comme illustr� ci-dessous � gauche, elle a la forme d'une couronne compos�e de plasma froid et se trouve juste au-dessus de l'ionosph�re. Les particules ionis�es de la plasmasph�re r�agissent comme un fluide. Cette r�gion est plus dense que le plasma des r�gions ext�rieures de la magn�tosph�re, ce qui la fait couler au fond de la magn�tosph�re. La fronti�re entre ce plasma dense et le reste de la magn�tosph�re est appel�e la plasmapause.

Selon les auteurs, "Compte tenu des propri�t�s de ce plasma froid et dense, la plasmasph�re peut �tre consid�r�e comme un"oc�an de plasma" et la plasmapause repr�sente la "surface" de cet oc�an." L'attraction gravitationnelle de la Lune peut d�former cet "oc�an", faisant monter et descendre sa surface comme les mar�es oc�aniques.

A gauche, structure sch�matique de la plasmasph�re terrestre. A droite, en a, une image UVE de la plasmasph�re prise � la verticale du p�le Nord de la Terre par le satellite IMAGE le 26 juin 2000 � 14h14 TU. En b, une image similaire prise depuis la Lune par le satellite Chang'e-3 (CE-3) le 21 avril 2014 � 13h01 TU. L'intensit� de l'�mission UVE est exprim�e en Rayleigh (1 Rayleigh = 10E6 photons/cm²/s/sr). Les fl�ches blanches indiquent la direction du Soleil. Les cercles noirs indiquent la taille apparente de la Terre. En c, les variations d'intensit� (∆Lpp) en fonction du temps magn�tique local (MLT) � la pleine Lune (LP=0). En d, � LP=6 (troisi�me quartier de Lune). En e, � LP=12 (nouvelle Lune) et en f, � LP=18 (premier quartier de Lune). Les pics de mar�e haute sont indiqu�s par les tirets rouges. Documents B.Heilig (2023) adapt� par l'auteur et Q.Shi et al. (2023).

Jusqu'� pr�sent, personne n'avait v�rifi� s'il y avait un effet de mar�e lunaire sur la plasmasph�re. Pour �tudier cette question, les chercheurs ont analys� plus de 40 ans de donn�es concernant plus 50000 travers�es de la plasmasph�re par des satellites appartenant � 10 missions scientifiques, dont les missions THEMIS (Time History of Events and Macroscale Interactions during Substorms) et IMAGE (Imager for Magnetopause-to-Aurora Global Exploration) de la NASA ainsi que celles de la sonde spatiale lunaire chinoise Chang'e-3 qui se posa sur la Lune en 2013.

Les passages des satellites eurent lieu entre 1977 et 2015, une p�riode qui connut quatre cycles solaires complets et presque deux cycles magn�tiques. Ces informations ont permis aux chercheurs de prendre en compte le r�le de l'activit� solaire sur la magn�tosph�re terrestre. Une fois l'influence du Soleil prise en compte, ils ont constat� que les fluctuations de la forme de la plasmapause suivaient des sch�mas quotidiens et mensuels tr�s similaires aux mar�es des oc�ans, indiquant que la Lune �tait la cause la plus probable des mar�es de plasma.

Les chercheurs ne savent pas exactement comment la Lune provoque ces mar�es de plasma, mais ils estiment que la gravit� de la Lune provoque des perturbations dans le champ g�omagn�tique. Toutefois des recherches suppl�mentaires sont n�cessaires pour valider cette th�orie.

Les chercheurs pensent que cette interaction auparavant inconnue entre la Terre et la Lune pourrait aider les chercheurs � mieux comprendre d'autres parties de la magn�tosph�re, telles que les Ceintures de Van Allen qui capturent les particules �nerg�tiques du vent solaire et les pi�gent dans la magn�tosph�re externe.

Selon les auteurs, "Nous soup�onnons que la mar�e de plasma observ�e peut affecter subtilement la distribution des particules �nerg�tiques de la Ceinture de rayonnement, qui constituent un danger bien connu pour les infrastructures spatiales et les activit�s humaines dans l'espace." Ils ajoutent qu'une meilleure compr�hension des mar�es pourrait donc contribuer � am�liorer le travail dans ces r�gions magn�tiques.

Les chercheurs veulent �galement savoir si le plasma dans les magn�tosph�res d'autres plan�tes est influenc� par les lunes de ces plan�tes : "Ces d�couvertes peuvent avoir des implications pour les interactions de mar�e dans d'autres syst�mes c�lestes � deux corps." Ce serait peut-�tre le cas du satellite Io de Jupiter qui gravite dans les ceintures de radiations de Jupiter et tra�ne justement derri�re lui un nuage de plasma. La lune Ganym�de poss�de aussi un champ magn�tique. On y reviendra.

D�couverte des ondes magn�to-Coriolis

Une �quipe de g�ophysiciens franco-belge dirig�e par Nicolas Gillet de l'Universit� Grenoble Alpes annon�a dans les "PNAS" en 2022 avoir d�couvert un nouveau type d'onde magn�tique qui traverse le noyau externe de la Terre tous les sept ans, d�formant ainsi le champ g�omagn�tique de notre plan�te. Ces ondes dites "magn�to-Coriolis" ou MC s'alignent le long de l'axe de rotation de la Terre et, par effet Coriolis, se d�placent d'est en ouest dans de hautes colonnes, parcourant jusqu'� 1500 km par an.

Ces ondes furent th�oris�es depuis les ann�es 1960 mais les chercheurs pensaient qu'elles se d�veloppaient sur des �chelles de temps bien plus longues (cf. R.Hide, 1966).

Gillet et ses coll�gues ont identifi� ces ondes gr�ce aux donn�es collect�es entre 1999 et 2021 par les trois satellites de la mission Swarm de l'ESA pr�cit�e. Ils ont ensuite combin� ces donn�es satellitaires avec des mesures ant�rieures du champ g�omagn�tique prises par des capteurs au sol, puis ont utilis� un mod�le informatique pour simuler la g�odynamo, c'est-�-dire le flux convectif de fluide dans le noyau externe de la Terre.

A gauche, diagramme montrant un �coulement ondulatoire � la surface du noyau externe de la Terre et des lignes de force du champ magn�tique � l'arri�re-plan. A droite, simulation des ondes magn�tiques MC traversant le noyau externe de la Terre. Documents N.Gillet al. (2022).

Selon les chercheurs, la source de ces ondes reste un myst�re, mais elles proviennent probablement de "perturbations profondes dans le noyau [externe] de la Terre", vers 2900 km de profondeur.

L'existence de ces ondes pourrait expliquer les myst�rieuses fluctuations du champ g�omagn�tique. Les mesures du champ g�omagn�tique montrent que son intensit� diminue tous les sept ans environ, co�ncidant avec les oscillations de ces nouvelles ondes MC. Selon Gillet, "Nos recherches sugg�rent que d'autres ondes de ce type sont susceptibles d'exister, probablement avec des p�riodes plus longues - mais leur d�couverte repose sur davantage de recherches."

D�crivons � pr�sent le champ g�omagn�tique proprement dit.

La dynamo auto-excit�e de Larmor

Le seul effet de la conductivit� �lectrique du magma en fusion n'explique pas la stabilit� du dip�le du champ g�omagn�tique qui aurait d� dispara�tre au bout de 10000 ans par diffusion ohmique. Pourtant l'existence de ce champ est attest�e depuis la formation de la Terre et sa force semble r�solument s'orienter vers le nord. Une seule th�orie semble expliquer sa p�r�nit� et son intensit� : la th�orie de la dynamo auto-excit�e.

Qu'est ce que la th�orie dynamo en g�ophysique ? Ce concept m�rite quelques explications, d'autant qu'il s'applique avec peu de variantes � la plupart des astres dynamiques, du Soleil aux galaxies.

Comme nous l'avons vu � propos du champ magn�tique solaire, en 1919 Sir Joseph Larmor sugg�ra que le champ magn�tique solaire pouvait �tre entretenu par ce qu'il appela la "dynamo auto-excit�e", th�orie pouvant expliquer la formation des taches solaires. Il terminait son article en proposant d'appliquer cette hypoth�se au champ magn�tique terrestre � condition que l'int�rieur du globe soit fluide. Son intuition s'av�ra g�niale.

Illustration des lignes de force du champ g�omagn�tique.

Dans sa version la plus simple (Faraday) une dynamo est un syst�me constitu� d'un disque m�tallique mobile (symbolisant le noyau fluide de la Terre) mont� sur un axe m�tallique que l'on place � proximit� d'un aimant permanent (symbolisant les lignes du champ magn�tique) afin qu'il soit partiellement plong� dans son champ magn�tique. Quand le disque est en rotation on constate qu'il existe une diff�rence de potentiel entre l'axe central du disque et le bord ext�rieur; autrement dit la dynamo g�n�re un courant �lectrique (dans ce cas ci un courant continu qui peut alimenter la lampe d'un v�lo par exemple).

Mais le mod�le de la dynamo terrestre est plus complexe. Nous savons qu'en chauffant un aimant au-del� de la temp�rature de Curie du fer, il perd son pouvoir d'aimantation et donc son champ magn�tique. Par cons�quent il n'existe pas d'aimant permanent � quelques milliers de degr�s. Or la Terre comme beaucoup d'astres pr�sente un champ magn�tique malgr� les hautes temp�ratures r�gnant dans son noyau.

D'un autre c�t� la s�ismologie nous apprend que le noyau externe de la Terre est constitu� de fer en fusion et r�agit comme un liquide; il est conducteur d'�lectricit�. Comme la dynamo, quand le noyau externe est plong� dans un champ magn�tique, en l'occurrence le champ magn�tique interplan�taire, des courants �lectriques prennent naissance accompagn�s d'un champ magn�tique. Mais en raison de leur r�sistance ohmique, ces courants d�croissent rapidement et ont une dur�e de vie relativement br�ve. Il existe donc un m�canisme de r�g�n�ration des courants �lectriques qui maintient l'activit� du champ magn�tique terrestre.

C'est ici qu'intervient la dynamo auto-excit�e : l'id�e de Larmor est de supprimer l'aimant permanent du mod�le th�orique et de le remplacer par des spires �lectriques. Un sol�no�de parcouru par un courant g�n�rant un champ magn�tique, on suppose que plusieurs milliers de kilom�tres sous terre il existe de faibles courants �lectriques (ceux notamment induits par le champ magn�tique interplan�taire et le vent solaire) qui remontent en spirale vers la surface suite � la rotation de la Terre. Ils g�n�rent autant de petits champs magn�tiques qui produisent � leur tour du courant; le syst�me dynamo est ainsi auto-excit�. Les intensit�s de faibles courants s'accumulant, elles donnent finalement naissance au champ magn�tique terrestre.

Mise en �quation

En pratique, la Terre n'�tant pas une dynamo de Faraday, le mod�le th�orique est un peu plus complexe et se divise en deux ensembles d'�quations :

- les �quations de la dynamique des fluides d�crivant les effets m�caniques

- les �quations de Maxwell d�crivant les effets magn�tiques.

Tout d'abord on applique les �quations les plus simples de la dynamique des fluides (fluides MHD incompressibles, rotation uniforme, densit� homog�ne, sph�re parfaite, etc) en tenant compte des mouvements plus ou moins turbulents (nombre de Rayleigh, Ekman et autre Reynolds) li�s � la rotation de la Terre et aux effets de la chaleur (advection, diffusion, pouss�e d'Archim�de, etc).

Tous ces calculs permettent de calculer les effets m�caniques que subit le noyau externe en fusion. Ensuite on tient compte des effets des fluides conducteurs qui ob�issent aux �quations de Maxwell afin de calculer le champ magn�tique terrestre. Reste � programmer tout cela et afficher les solutions sous forme graphique � l'�chelle de la Terre.

Notons que les �quations applicables au mod�le terrestre sont diff�rentes de celles utilis�es pour le Soleil car notre �toile est constitu�e de plasma d'hydrogr�ne et non de fer et de silicates en fusion. Le Soleil pr�sente �galement des effets dix milliards de fois sup�rieurs � ceux qu'on observe sur Terre et les astrophysiciens doivent avoir du souffle pour �crire leurs �quations.

En th�orie, le mod�le terrestre devrait donc �tre plus simple mais en pratique les chercheurs butent sur bien des inconnues et des param�tres aux valeurs tr�s in�gales. Mais ce mod�le donne d�j� d'excellents r�sultats.

Param�tres et simulations

On d�couvre par exemple � travers l'�quation d'induction que le champ magn�tique (un vecteur) est transport� ou advect� par le fluide. Ce vecteur qui relie les particules cr�e une composante qui tient compte du cisaillement; autrement dit il peut cr�er du champ magn�tique. Les calculs d�montrent que lorsque le champ magn�tique est fort, il va agir via la force de Laplace sur le mouvement de la mati�re.

Quatre param�tres permettent de contr�ler la dynamique de ce syst�me : le nombre de Rayleigh (Ra~300), le nombre de Ekman (E~10-15), le nombre de Roberts (q~10-7) et le nombre de Rosby (Ro~10-7).

Le nombre le plus important est le nombre de Rayleigh qui d�termine l'effet de la convection (comme dans le cas des cellules de B�nard en m�t�o). En effet, il d�termine l'�nergie que l'on apporte au syst�me et donc la formation ou non du champ magn�tique. Il doit donc exister des mouvements suffisamment turbulents dans les entrailles de la Terre pour former le champ g�omagn�tique, d'o� une valeur de Ra tr�s �lev�e.

Si on supprime un seul ou plusieurs de ces param�tres, Taylor d�montra qu'il existe une seule solution, mais on ne peut pas la calculer. Il faut donc les conserver quitte � leur donner une valeur tr�s faible.

Dans un cas, il y a plusieurs d�cennies on a pu d�montrer que cette th�orie ne pouvait pas cr�er un champ axi-sym�trique (comme le dipole terrestre) et le th�or�me pr�c�dent ne semblait pas pouvoir se r�soudre en 2D et donc certainement pas dans l'espace. Aujourd'hui, on a pu trouver des solutions mais dans un r�gime de param�tres qui est tr�s �loign� des conditions du champ magn�tique terrestre (E ≥ 10-5, q ≥ 1).

Chacun de ces facteurs peut donc varier d'un facteur 10 et produire autant d'�v�nements ou de solutions diff�rentes. Des param�tres aussi disparates, les uns variant rapidement, les autres tr�s lentement, ne plaisent pas aux physiciens. La th�orie du champ g�omagn�tique n'est donc pas tr�s facile � d�crire, m�me dans le cas le plus simple.

A gauche, simulation du champ magn�tique terrestre jusqu'� 2 rayons de distance dans le mod�le Glatzmaier-Roberts simul� au PSC. En turquoise les lignes de force entrantes et n�gatives, en orange les lignes de force sortantes et positives. Au centre, structure du champ g�omagn�tique dans le noyau. L'axe de rotation est vertical. Les lignes turquoises sont � l'ext�rieure de la graine solide tandis que les lignes oranges sont situ�es � l'int�rieur de la graine. A droite, comparaison entre l'intensit� de la composante radiale du champ magn�tique dans le mod�le de Christensen et al. (en haut et remis � l'�chelle) et les mesures sur le terrain (en bas). Pour des valeurs de param�tres qui paraissent pourtant loin de la r�alit�, le mod�le est assez convaincant m�me s'il est encore approximatif. Documents Glatzmaier/Roberts 1995 et Christensen et al, 1999.

En 1995, apr�s avoir manipul� les diff�rents param�tres de cet ensemble d'�quations, Gary Glatzmaier du Pittsburgh Supercomputing Center (PSC) de Los Alamos et Paul Roberts de l'UCLA sont parvenus pour la premi�re � simuler le champ magn�tique terrestre, y compris son inversion (voir page suivante). Cela d�montrait que malgr� le fait que tous les param�tres �taient "faux" d'un facteur exc�dant 10, le mod�le pouvait s'appliquer au champ magn�tique terrestre. Leur travaux furent publi�s dans Nature. Depuis, de nombreuses �quipes ont d�velopp� des variantes de ce mod�le avec plus ou moins de succ�s.

En 1997, Weija Kuang du centre GSFC de la NASA et Jeremy Bloxham de l'Universit� d'Harvard (EPS) ont propos� un autre mod�le de dynamo (le mod�le Kuang-Bloxham) fond� sur un autre r�gime de param�tres. Puis ce fut le tour des Japonais Kageyama et ses coll�gues.

Plus int�ressant, en 1998, Christensen et al. en Allemagne ainsi que les Fran�ais Emmanuel Dormy, Julien Aubert et Philippe Cardin de l'IPGP ont compar� leur mod�le respectif avec un cas pr�cis des mod�les concurrents afin de v�rifier s'ils obtenaient la m�me solution m�me en utilisant des approximations diff�rentes. Ce "benchmark" a donn� des r�sultats concluants; en changeant � peine les param�tres ils ont pu pr�dire l'intensit� du champ magn�tique � la surface du noyau.

Variation de l'�nergie magn�tique (en haut) et cin�tique (en bas) en fonction du temps pour E=0.003, q=3 et Ra=210. Document V.Morin.

En 2003, C. Kutzmer d�montra qu'il existait des solutions avec et sans effet dynamo et champ magn�tique en fonction des valeurs du nombre de Rayleigh (1<Ra<50) et pour un nombre de Ekman fix� � 10-3 (pour rappel E~10-15 pour la Terre).

En diminuant le nombre d'Elman jusqu'� 3x10-4, ils sont parvenus � maintenir le champ magn�tique. Cela sugg�re que ces solutions vont dans le bon sens et sont peut �tre connect�es de fa�on continue jusqu'au r�gime le plus faible, celui qui int�resse le physicien.

Ces solutions ont �galement �t� propos�es et d�crites de mani�re plus compl�te par Vincent Morin du Laboratoire de Physique Statistique de l'ENS en 2005. Il d�montra que toutes ces solutions ne sont pas �quivalentes, certaines sont stables, d'autres sont instables, en fonction du nombre de Rayleigh et du nombre de Ekman.

On sait aujourd'hui que l'effet dynamo se maintient � condition que le champ dure un temps magn�tique suffisamment long (plus de 3 ou 5 temps magn�tiques selon les auteurs) car cela permet d'�viter la diffusion.

Ainsi qu'on le voit sur le graphique pr�sent� � gauche, l'�nergie magn�tique fluctue suite � des ph�nom�nes turbulents, au point qu'elle peut s'interrompre brutalement. Ainsi au cours de cette simulation o� E=10-3, q=3 et Ra=210, au bout d'environ 140 temps magn�tiques l'�nergie magn�tique qui jusque l� fluctuait de mani�re chaotique tomba subitement � 0, alors que le champ de vitesse continuait � fluctuer et pr�sentait m�me une plus grande amplitude.

Le syst�me n'est plus remont� par la suite, la dynamo �tait morte et elle ne put se re-exciter. En fait, la solution B=0 est stable et le bruit exerc� par la vitesse sur le champ magn�tique �tait probablement en augmentation.

Bien s�r ce r�gime est encore 12 ordres de grandeur au-dessus des valeurs du champ magn�tique terrestre et ne repr�sente donc qu'une approximation qu'il ne faut pas dogmatiser.

Lien entre la turbulence et la reconnexion magn�tique

Dans l'univers magn�tique, il existe deux importants ph�nom�nes : la turbulence et la reconnexion magn�tique, qu'on retrouve �videmment dans la dynamique des aurores qui sont un produit de l'interaction du rayonnnement solaire avec le champ g�omagn�tique. Jusqu'� pr�sent les chercheurs n'avaient pas pu prouver l'existence de reconnexions magn�tiques dans un milieu turbulent.

Sachant que l'espace proche de la Terre est rempli de plasma, c'est-�-dire de particules charg�es sous l'emprise d'un champ magn�tique, les reconnexions sont l'un des m�canismes les plus importants car elles dissipent l'�nergie magn�tique et d�placent les particules charg�es, contribuant � la dynamique du temps spatial comme la circulation atmosph�rique contribue au temps qu'il fait sur Terre. 

Gr�ce aux quatre satellites MMS (Magnetospheric Multiscale Spacecraft) de la NASA orbitant en formation pyramidale, Tai D. Phan de l'Universit� de Californie � Berkeley et ses coll�gues ont d�couvert qu'il pouvait se produire des reconnexions magn�tiques dans un milieu turbulent. Ces reconnexions se produisent lorsque les lignes du champ g�omagn�tique se brisent, projetant de mani�re explosive des particules charg�es � des vitesses tr�s �lev�es (jusqu'� 600 km/s). Ce type de reconnexion n'avait jamais �t� observ� auparavant dans un plasma turbulent. L'annonce de cette d�couverte fut publi�e dans la revue "Nature" en 2018.

A voir : NASA Spacecraft Discovers New Magnetic Process in Turbulent Space, NASA/GSFC

Explosive Magnetic Reconnection in Turbulent Plasma, NASA

Magnetic reconnexion

Aspect de la magn�tosph�re (en bleu) qui prot�ge la Terre du vent solaire. La limite avec l'espace forme la magn�tosheat (en jaune) sous laquelle le graphiste Josh Masters a essay� de reproduire les vortex hautement turbulents (en orange et gris). Cliquer ici pour lancer une br�ve animation. Document NASA/GSFC/Josh Masters.

Ces reconnexions magn�tiques ont tr�s souvent �t� observ�es dans la magn�tosph�re mais habituellement dans des conditions calmes. Or ce que Phan et ses coll�gues ont observ� s'est produit dans la magn�tosheath, juste � l'ext�rieur de la magn�topause, � l'endroit o� le vent solaire est extr�mement turbulent. Jusqu'� cette observation, les scientifiques ne savaient pas si la reconnexion pouvait m�me se produire car le plasma est tr�s chaotique dans cette r�gion. Gr�ce � MMS, les chercheurs on montr� que non seulement cela se produisait, mais sur des �chelles beaucoup plus petites que laissaient supposer les donn�es pr�c�demment recueillies par les satellites.

Gr�ce � la faible distance s�parant les quatre satellites MMS (~6.4 km), ils ont permis d'�tudier des ph�nom�nes minuscules � d'�chelle spatiale que personne n'avait observ� jusqu'alors. De plus, les instruments dont le Fast Plasma Investigation furent con�us pour enregistrer des donn�es 100 fois plus rapidement que ceux embarqu�s � bord des satellites pr�c�dents et discriminer des ph�nom�nes durant quelques dizaines de millisecondes. Ceci dit, malgr� leurs performances, on sait � pr�sent que ces instruments sont encore trop lents pour permettre d'analyser le m�canisme de reconnexion turbulente en temps r�el. En effet, un tel m�canisme n�cessite d'observer des zones �troites de particules (quelques dizaines de m�tres de longueur) acc�l�r�es par les lignes du champ g�omagn�tique en train de se r�tablir (se r�enrouler). Si on compare ce m�canisme � la reconnexion standard (dans des conditions calmes) dans laquelle de larges jets d'ions sont �ject�s du site de reconnexion, la reconnexion turbulente �jecte des jets �troits d'�lectrons mesurant seulement quelques kilom�tres de largeur.

Malgr� la r�solution limit�e des instruments, les chercheurs ont pu interpoler les donn�es et lire pour ainsi dire "entre les lignes" du champ g�omagn�tique afin de collecter des donn�es suppl�mentaires et mieux r�soudre les jets de particules. Dans le cas pr�sent, l'�v�nement ne dura que 45 millisecondes. Cette donn�e servira de r�f�rence pour am�liorer la prochaine g�n�ration d'instruments qui devront �tre capables d'identifier des ph�nom�nes 10 fois plus rapides avec une r�solution spatiale 6 � 7 fois sup�rieure afin de mieux comprendre ce qui se passe l�-haut.

Prochain chapitre

Les mod�les de r�f�rence du champ magn�tique

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